Ce que m'inspire une conversation avec un "complotiste"...
OPINION
10/31/202410 min lire
La Diversité des Sources d'Information
Récemment, un collègue que je n'avais pas vu depuis longtemps m'a demandé quelle presse je lisais. Je lui ai expliqué que je faisais l'effort de consulter des publications variées, couvrant tout le spectre idéologique. J'ai ajouté que je m'intéressais également à la presse internationale, notamment à travers Courrier International, auquel je suis abonné.
Mon collègue a alors fait valoir que je ne consommais que des "médias mainstream" et que j'étais donc "biaisé". J'ai répondu que, selon moi, la diversité des sources et la pluralité de leurs origines étaient les clés pour minimiser le risque d'être manipulé. Quand je lui ai demandé où il puisait ses informations, il m'a répondu qu'il lisait le blog de François Asselineau. Je lui ai alors fait remarquer que ce n'était pas non plus un exemple d'indépendance absolue.
Il a ensuite mentionné Anne Bonnel et m'a demandé si je la connaissais. Je lui ai dit que oui, mais que j'avais des doutes quant à sa fiabilité. Lorsqu'il m'a demandé pourquoi, j'ai admis que je ne me souvenais plus exactement des raisons, mais qu'à l'époque de la sortie de son documentaire sur l'Ukraine, j'avais enquêté sur son parcours et cela ne m'avait pas inspiré confiance. Cela ne signifie pas que tout ce qu'elle avance est faux, mais cela appelle à la prudence. La réalité est bien souvent nuancée, loin des dichotomies simplistes. Pourtant, mon collègue n'a cessé de répéter : "Tu vois, tu ne sais pas vraiment pourquoi tu n'as pas confiance." J'ai alors mentionné Wikipedia comme point de référence, mais il a aussitôt rejeté cette source, estimant qu'elle était elle aussi "biaisée".
La Polarisation des Opinions
Cette discussion m'a frappé par la nature tranchée des opinions. J'ai l'impression qu'aujourd'hui, beaucoup ont tendance à classer les autres dans des cases après quelques minutes de conversation : lui est "complotiste", elle est "mainstream", etc. Cette polarisation excessive est très préoccupante, car elle empêche tout dialogue constructif. Pour ma part, je tente toujours de remettre en question mes convictions si des éléments probants me sont présentés. De nombreuses "vérités" se sont révélées fausses avec le temps, et il est essentiel de garder l'esprit ouvert en conséquence.
Cela dit, je ne prône pas non plus l'acceptation aveugle des discours officiels ou sensationnalistes. Une méfiance mesurée est toujours nécessaire. On a vu, par exemple, comment les Américains ont menti sur les armes de destruction massive en Irak. Mais l'idée que tous les médias et gouvernements mentent systématiquement est tout aussi extrême et peu fondée. Même les médias très orientés peuvent dire des vérités. Rejeter tout en bloc est une erreur.
L'Élection Américaine et la Polarisation
L'élection de Donald Trump et de Kamala Harris aux États-Unis illustre parfaitement cette polarisation croissante. Les camps opposés sont souvent incapables de se parler ou de confronter leurs points de vue de manière constructive. ils passent leur temps a s'invectiver. Cela ne signifie pas que l'on doive changer d'opinion à chaque discussion, mais on devrait au moins chercher à comprendre la perspective de l'autre et, parfois, nuancer nos propres certitudes. Malheureusement, beaucoup ne sont plus capables de cet effort, et cela présage des tensions sociales, politiques, voire militaires accrues. Il semble que nous assistons à une forme de déclin de la société occidentale.
Analyse de Sources Controversées
Par la suite, j'ai fait quelques recherches sur Anne Bonnel et François Asselineau : d'après les informations disponibles, ils sont souvent associés à des mouvances complotistes. Bien que je n'aime pas les étiquettes, cela constitue tout de même un signal d'alarme. Bonnel est soupçonnée d'être pro-russe ; dans son reportage, elle aurait accordé une large couverture aux crimes présumés des Ukrainiens contre les pro-russes, tout en évitant de traiter les crimes présumés des pro-russes contre les Ukrainiens. Quant à Asselineau, il est accusé de harcèlement sexuel par des collaborateurs passés et propage des théories souvent alignées sur celles de la sphère complotiste. Charmant personnage. Les titres de son blog comme "La Moldavie, nouveau tentacule de la pieuvre américaine" ou "Sommet des BRICS en Russie, l'isolement croissant des état-unis et de leur satellites" montrent un alignement pro-russe (tiens, tiens tiens...) et par ricochet anti-américain. Je me demande où se situe l'intérêt pour la France de ce genre de publication ? Quand à la Moldavie, il s'agit plus des tentacules de la Russie que de l'Amérique ou de l'Europe car l'élection est déjà marquée par une ingérence massive de la Russie dans les affaires de cette ancienne république soviétique... Je n'a jamais lu le contraire il me semble, mais c'est vrai que mes source sont toutes "mainstream"... Somme nous comptés dans les satellites des états-unis ? En réalité, tant les médias “mainstream” que ces sources alternatives doivent être pris avec un certain recul de nos jours...
Nous voyons des constantes dans cette dynamique : recours à des informations alternatives et sensationnalistes, sympathie pour l'extrême droite, positionnement pro-russe, haine de l'OTAN, soutien aux dictatures, intolérance, nationalisme frôlant le racisme, opposition au wokisme, anti-féminisme, repli sur soi, traditionalisme et ultra-libéralisme. Pourquoi ? Le monde a changé de manière drastique ces dernières années. Je ne porterai pas de jugement sur la valeur de ces changements, mais il est indéniable que cette évolution a été trop rapide pour certains, les laissant désorientés. Dans ce contexte, Trump représente une figure rassurante pour ceux qui se sentent laissés pour compte par l'évolution de la société. Un électeur de Trump a ainsi déclaré : "Avec lui, on a le droit d'être des vrais mecs. Il a tout compris." Une déclaration éclairante. D'autres partisans de Trump trouvent Kamala Harris "trop féministe". L'ancien président symbolise une "Amérique qui n'a plus peur" (source). Voyez ce que je veux dire ?
Au fur et a mesure que la campagne américaine avance, cette dernière est marquée par la violence verbale croissante. L'insulte est devenu sont registre préféré car cela lui donne une énorme visibilité dans les médias et ce gratuitement. Trump a commencé par menacer "raduire ses ennemis en justice, ordonner des déportations massives, recourir aux soldats contre les citoyens, exploiter politiquement les catastrophes." et de dénoncer «l’ennemi de l’intérieur». Cela incite également ses partisans a utiliser ce registre : Kamala traitée de "that bitch" (que je ne traduirais pas). Dire que les migrants ont l'habitude de «manger des chats et des chiens» ou de qualifier Porto-Rico de «d’île flottante d’ordures au milieu de l’océan». (source). Ça donne ton. Et cela rabaisse globalement le débat vu que Harris se croit obligée de traiter Trump de dictateur en puissance. Ambiance. Voila a quoi est réduite l'Amérique actuelle et c'est précisément un image de la France dans quelques année si nous laissons faire.
Il est impressionnant de voir la “middle-class” américaine voter pour un milliardaire qui n’a aucune idée de leurs difficultés et qui prenait plaisir à virer sadiquement des candidats dans une émission télévisuelle qu’il animait avant d’être président ! Cela saute aux yeux qu’il n’a aucune empathie ni connaissance d’eux. Mais de nos jours le bon sens n’a plus cours.
Mon collègue insistait: “sous Trump il n’y a pas eu de guerre. C’est pas comme tous les autres”. Il n’y a pas eu de guerre déclenchées par Trump, peut-être, mais comparer cinq (longues) années de Trump avec toutes les années précédentes c’est un peu manipulatoire… Et surtout faux, Joe Biden n’ayant pas déclenché de guerre non plus il me semble. Si c’était le seul critère, beaucoup de présidents français seraient des génies, or on sait bien que ce ne fut pas le cas. Ceux qui promeuvent les thèses complotistes sont passés maîtres en manipulation et en mensonge, c’est leur quotidien, le moyen de propager leur idées et d’exister enfin.
Les Algorithmes et la Polarisation
Il est légitime de se demander comment nous en sommes arrivés à cette situation. J'ai, comme beaucoup d'autres, pensé aux réseaux sociaux et à leurs algorithmes de recommandation, qui ont tendance à nous enfermer dans des bulles informationnelles, sans jamais nous exposer à des opinions alternatives. C'est indéniablement une des causes de cette polarisation. Il est aussi probable que les gens lisent de moins en moins : les livres, qui demandent un effort, sont une source essentielle de compréhension et de réflexion critique, contrairement aux vidéos qui se consomment sans réflexion profonde. Le manque de volonté pour l'effort est flagrant et j'ai même l'impression d'en souffrir un peu également.
Mensonges et Perte de Confiance
La prolifération des mensonges d'État a également joué un rôle. Il a toujours existé des mensonges gouvernementaux, mais la fréquence et l'absence de honte qui les caractérisent aujourd'hui sont sans précédent. Le cas des armes de destruction massive en Irak est éloquent : quand un gouvernement est capable de déclencher une guerre sur la base d'un mensonge massif, la confiance publique s'érode inévitablement. Trump est réputé pour avoir été un des présidents qui mentait le plus, tous les jours et plusieurs fois par jour.
Il n’y a pas que les gouvernants qui mentent, il semble que l’extrême droite en fasse sa spécialité. Par exemple, Éric Ciotti en septembre 2024 se plaint sur France 5 que la publicité pour le livre de Bardella a été refusée dans les gares. Dans une séquence hallucinante, Ciotti tente de modifier la réalité pour passer son message de haine contre la gauche, plus c’est gros plus cela passe bien (source). Il utilise toute sorte d'artifices de manipulation et sophisme : argument par uchronie (imaginer une situation inexistante pour prouver que dans la situation présente il a raison), imagination d'une situation future et mise en lumière de conséquences forcément dramatique, dénigrement de l'adversaire, face a une preuve donnée par le journaliste Ciotti dit qu'il est à côté de la réalité, etc... Le dénigrement, le mensonge, le refus des preuves, la manipulation. Nous sommes en plein "Trumpisme".
Si l'on parle maintenant des médias, souvent possédés par des milliardaires, ils sont aussi regardés avec suspicion : Canal PLus, CNews, C8, Europe 1, le JDD, Paris Match, BFMTV, RMC, l’Étudiant, Nice-Matin, France-Antilles, l’Informé, Elle, Télé 7 jours, Franc-Tireur ou encore Marianne, Le Parisien, Les Échos, Connaissance des arts, le site Investir, Radio Classique, la Provence, Brut, M6, La Tribune, Le Figaro, Le Monde, Historia, Telerama... Tous ces médias appartiennent à des milliardaires dont bon nombre d'extreme droite et/ou catholique intégriste (source). Finalement les médias qui restent sont ridiculement peu nombreux : Mediapart, Le Canard enchaîné, Politis, L'Humanité, Alternatives Economiques, Reporterre, Basta!, et Blast pour ne citer que les principaux.
La sphère complotiste s'est insérée dans ce vide de confiance, proposant des discours alternatifs qui ne sont pas nécessairement plus valables, mais qui ont le mérite d'être différents et souvent sensationnels. Comme le sait très bien Meta/Facebook, les nouvelles négatives sont plus addictives que les positives, et le sensationnel négatif encore plus.
La Surveillance de Masse et la Crainte Sociale
Ce climat a également permis aux dictatures de manipuler l'opinion publique, en particulier la Russie. La chaîne RT, par exemple, était connue pour propager des théories complotistes visant à fragiliser les sociétés occidentales. Le soutien implicite de certaines factions politiques, comme l'extrême droite et même la droite classique, à la Russie pendant l'invasion de l'Ukraine illustre cette infiltration. Trump, de son côté, a toujours été amical envers les dictateurs, et cela n'est pas un hasard. Bien qu'il se montre plus dur avec la Chine, cela pourrait être une conséquence de l'influence russe qu'il subit. Poutine sait que l'amitié de la Chine est à double tranchant, surtout en raison des tensions historiques entre les deux nations.
Je m'interroge également sur la tendance croissante des démocraties à instaurer des mécanismes de surveillance de masse. Il ne vous aura pas échappé, par exemple, l'appel d'offre du nouveau gouvernement pour surveiller les recherches des Français sur internet. Cela reflète probablement une crainte sous-jacente de leurs propres citoyens, non pas parce que ceux-ci deviendraient des terroristes, mais en raison de la fragilité politique et sociale actuelle (source). La surveillance est perçue comme un outil préventif contre d'éventuelles révoltes, comme celle des Gilets Jaunes, mais aussi comme une stratégie de protection des élites. Cela explique sans doute pourquoi un personnage comme Juan Branco, farouche critique des élites politiques françaises, a écrit récemment un livre intitulé "Coup d'état : Manuel insurrectionnel"...
Réapprendre à Dialoguer
On pourrait se demander si une guerre civile et/ou militaire n'est pas finalement inévitable. Si les démocraties occidentales se fracturent, il est évident que certaines dictatures s'engouffreront dans la brèche, et que la guerre prendra un tour militaire. Vladimir Poutine a joué les trublions en Occident de manière subtile ces vingt dernières années. Pour l'éviter, il est crucial de réapprendre à dialoguer, à écouter, et à envisager les choses avec plus de nuance. La vérité est plurielle, et seule la confrontation sereine des points de vue nous permet de nous en rapprocher.
La Corruption des Élites et le Déclin Occidental
La corruption des élites et leur assujettissement aux puissances financières doivent cesser. L'ère Macron a été un symbole de ce mécanisme : il a pris un pays déjà affaibli et a facilité un pillage discret et à crédit au profit de ceux qui l'ont placé au pouvoir. La facture est arrivée, 1000 milliards de plus depuis 2017 (dont 300 milliards liés à la COVID). Mais le président continue à agir comme si de rien n'était, voyageant à l'étranger aux frais des contribuables. Le macronisme, bien que probablement épuisé, aura laissé un legs de privatisation des ressources nationales, suivi de la nationalisation de la dette pour en faire supporter le poids à tous. En 2027, nous paierons 75 milliards d'intérêts, rendez-vous compte de ce pillage... Macron et Trump, bien qu'ils divergent radicalement en style et en objectifs, sont finalement des produits symptomatiques de cette époque tourmentée. Une tendance qui coûte cher, et qui continuera à peser lourdement si l'on ne réagit pas rapidement.